Interview des époux Jacob : décryptage

Le 02/12/2023 0

36 ans après les faits qui se sont déroulés le 16/10/1984, c’est la 1ère fois que les époux Jacob accordent une interview. Suspectés d’être les « corbeaux », ils furent mis en examen en 2017 pour enlèvement et séquestration suivie de mort et finalement la mise en examen fut annulée par la suite. « L’accusation s’interroge sur l’emploi du temps difficile à cerner des Jacob l’après-midi du drame. Avec, en filigrane, l’hypothèse d’une remise de l’enfant après son enlèvement devant chez lui à Lépanges-sur-Vologne. » (Le Parisien, Timothée Boutry, 21/06/2017).

Revenons sur cette interview donnée à BFM TV et analysons la séquence.

D’emblée, les époux font face aux journalistes avec l’intention d’être spontanés et sincères. La main gauche de Marcel Jacob saisit sa main droite, sans tension et les époux clignent normalement des yeux, ce qui permet de dire qu’ils sont dans l’échange et non enfermés dans leur bulle (en l’absence de clignements). Un nombre trop important de battements de paupières signifie que nous sommes une situation émotionnelle forte (positive ou négative).

 « Est-ce que vous savez quelque chose sur la mort du petit Grégory ? » - 17 min 26

A cette question, les époux affichent un certain dégoût et se replongent dans les images de l’époque , leur regard s’abaisse et les commissures des lèvres sont tombantes. Jacqueline Jacob est dans la protection, elle se méfie, son bras droit vient ainsi toucher son épaule gauche formant un bouclier invisible. Et ce n’est pas pour rien puisque le journaliste leur assène : « vous êtes au cœur du dossier, si quelqu’un va devant une Cours d’assise, ce sera vous deux, vous le savez ? »

« Etes-vous prêts à collaborer avec la justice ? » - 18 min 10

« On n’a pas peur du tout, ils me l’ont prélevé déjà 2 fois mon ADN. J’ai rien à me reprocher, absolument rien » répond Marcel Jacob alors que sa femme touche la bague de son annulaire droit avec son index et son pouce gauche. Elle souhaite maintenir la cohésion et l’équilibre de son couple durant cette nouvelle charge. Rappelons qu’ils étaient tenus à résidence séparée. Jacquelin Jacob est touchée émotionnellement, ses battements de paupières s’intensifient jusqu’à s’arrêter durant une dizaine de secondes où elle n’est plus présente car concentrée à imaginer les conséquences.

« Vous êtes innocents ? » - 18 min 21

Le journaliste interroge en mettant ses doigts gauche en pince (index et pouce qui se touchent) – « 100% » lui répond Marcel Jacob en effectuant le même geste de façon inconsciente. C’est un geste très cohérent dans la mesure où il n’est pas réalisé intentionnellement, c’est instinctif à ce moment. Et Marcel Jacob de souligner sa réponse en un « là c’est sûr ! » avec la tête qui se baisse franchement pour surligner son propos.

« Comment ça s’est passé cette arrestation de 2017 ? » - 19 min 05

Encore une fois, Marcel Jacob va illustrer sa réponse « très compliqué » (ce moment vécu) en recontextualisant. C’est très important lorsqu’une personne, un témoin raconte la scène qu’il a vécu. Il s’associe et donne des détails de ce qu’il a dit ou fait. En l’occurrence, Marcel Jacob dit « on avait commandé des glaces (…), un peu avant 8h, on était encore au lit, j’ouvre la porte, une dame qui étant devant, SR de Dijon, à partir de 8h vous êtes en garde à vue pour l’affaire du petit Grégory. » Pendant cet échange, sa femme Jacqueline affiche une expression de doute (sur le motif de la garde à vue), elle est dubitative et elle lâche : « j’étais tétanisée. »

Elle préfère ne pas trop exprimée ce qu’elle a ressenti lors de la perquisition qui a suivi, elle indique que des albums photos ont été pris, alors sa bouche va se fermer et ses lèvres se pincer vers l’intérieur (bouche en huître). C’est une situation qui l’a marquée.

Lorsque les conditions de la garde à vue sont évoquées, c’est à nouveau son bras droit qui va venir en protection de son corps et saisir son épaule gauche.

« Il y a des lettres du corbeau qui vont servir à justifier cette mise en examen, notamment vous (il désigne Jacqueline). »

Le journaliste se veut plus incisif. Alors Jacqueline Jacob répond « j’ai jamais écrit » en faisant, de façon inconsciente, « non » de la tête. Elle ne cherche pas à voir si ce qu’elle dit est bien « avalé » par le journaliste, elle ne le fixe pas des yeux, elle ne recherche pas son approbation ni de le prendre à témoin. Juste elle répond « j’ai jamais écrit. »

La même négation franche sur la seconde vidéo, à 12 min 32 :  Marcel et Jacqueline Jacob [interview] - YouTube. Je note à 12 min 37 la bouche se pince dans une tension qui peut aussi bien être le reflet d’une vérité cachée ou d’une réalité. Avoir la bouche pincée (qui est différente de la bouche en huître et ses lèvres rentrées avec l’intention de ne pas trop en dire), pourvu que ça soit fait juste après avoir prononcé une phrase, peut venir appuyer les propos. Il est nécessaire de préciser que plus un mensonge est ancien, plus il est simple d’en faire une vérité. Les connotations négatives, les émotions négatives font parties du passé. Il est ainsi plus simple de le traiter cognitivement. C’est quelque chose qu’il faut garder à l’esprit pour relativiser l’analyse. Ensuite, une personne peut être le scripteur d’une lettre de « corbeau » sans pour autant être l’auteur d’un meurtre. En tous les cas, cette tension dans les lèvres illustre que c’est une partie du dossier qui la stresse. Ajoutons à cela que le visage de Jacqueline Jacob est plein de tics liés à son âge…

Sur cette même vidéo, à 15 min 45 à propos de la stylométrie, Jacqueline Jacob réfute à nouveau être l’auteur des lettres en plaçant sa main droite paume face au journaliste, sans tension dans les doigts, en un geste qui se veut être un « stop », un « arrêt. » C’est un geste très instinctif qu’elle fait, ce n’est pas calculé, c’est sincère.

A 16 min 07, toujours sur cette accusation d’être le « corbeau », Jacqueline Jacob se gratte le haut de son muscle nasogénien gauche avec son index droit (le point qui se situe juste à côté de sa narine gauche, c’est une ride qui se creuse largement avec l’âge). C’est un geste qui signifie que quelque chose dans son image est dérangeant.

Les époux Jacob semblent être les victimes collatérales de cette affaire qui n’a toujours pas trouvé son dénouement. Jacqueline a-t-elle écrit une ou deux lettres ? Les époux ont-ils commandités l’enlèvement et le meurtre de l’enfant ? Il est difficile d’analyser le langage corporel lorsqu’il évoque des faits et des souvenirs qui remontent à quelques décennies. Ces faits et souvenirs sont retraités, réinventés par le cerveau et s’ils ne sont pas emprunts d’émotions, en faire émerger la vérité demanderait un réel et approfondi interrogatoire cognitif.

Source : Affaire Grégory : Les époux Jacob sortent du silence - YouTube

 

Affaire gregory

 

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