suicide

L’influence sociale dans le suicide de l’adolescent…

Le 01/12/2018

Il n’est pas admissible qu’un(e) adolescent(e) se suicide après avoir été victime de harcèlement de la part d’un groupe d’élèves ou d’une seule personne ! Le harcèlement débute à l’école, pourchasse jusque dans la sphère publique pour acculer et triompher dans la sphère privée.

Les harceleurs utilisent aussi bien les réseaux sociaux que l’intimidation physique et verbale.

S’il est important de comprendre le cheminement psychologique de la victime, il est aussi vraiment nécessaire que les parents en général, ceux des harceleurs en particulier, se posent les bonnes questions. Mais comment savoir si mon enfant est victime ou bourreau ? Clairement, tout parent est à même de distinguer le caractère de son enfant, intro/extraverti, aime montrer qu’il domine, réservé… Il est impératif de se poser quelques questions factuelles : comment mon enfant utilise son portable ? Quelle est la qualité de ses relations sociales ? Quelle est son attitude, son comportement en groupe ? Ce n’est pas l’affaire de l’école, c’est bien au sein de la famille que tout commence, qu’elle soit reconstituée, monoparentale ou avec les parents d’origine. Ce qui est sûr, c’est qu’aussi bien du côté du harceleur que du côté du harcelé, les parents doivent s’interroger.

Les statistiques sont certes en baisse depuis 2003 mais en 2014, ce sont 8 885 suicides en France alors que les décès liés aux accidents de la route sont de 3 384… c’est la 2ème cause de mortalité chez les 15-24 ans. La pendaison est la méthode la plus utilisée, 6 cas sur 10 ! Lorsqu’on y réfléchit un instant, le harcèlement confine, étouffe de la même manière qu’un nœud coulant vient comprimer la trachée et provoque la suffocation, la mort. Les tentatives de suicide sont 20 fois plus nombreuses que le nombre de suicides. Les causes évoquées ? La solitude, la dépression, la maladie physique, les problèmes de couple ou de famille.

Le suicide est un fait social déterminé par ce qui relève de l’intime et du relationnel, la religion et la famille protègent du suicide parce qu’elles l’interdisent et fédèrent les personnes autour d’un enjeu collectif qui suscite un profond sentiment d’appartenance. Le sentiment d’appartenance/d’inclusion est ainsi un élément déterminant dans le passage à l’acte.

Selon Durkheim, et même si cela a été sujet à controverse, il existe 4 catégories de suicides :

- le suicide égoïste qui fait suite à un défaut d’intégration, comme une personne célibataire qui s’est complètement isolée et se sent exclue de la société,

- le suicide altruiste qui fait suite à un excès d’intégration, comme les fanatiques,

- le suicide anomique qui fait suite à un défaut de régulation, de normes, de règles,

- le suicide fataliste qui fait suite à un excès de règles qui viennent empêcher toute expression individuelle.

Pragmatiquement, si on garde à l’esprit la relation étroite entretenue par l’individu et son environnement, cette catégorisation fait sens.

La personne qui se suicide est guidée par des raisons, des causes qui ne sont pas les bonnes d’un point de vue extérieur. Elle est donc dans un état psychologique confus, poussée par des justifications collectives qu’elle a intériorisé dans un désir de reconnaissance absolu, « à tout prix ».

Que l’on retienne cette classification ou non, on peut faire une seule distinction, le suicide impulsif et le réfléchi. Ce qui pousse au suicide ce sont des faits, des circonstances, des sentiments ou des pensées qui isolent la personne des autres.

La mélancolie ! Selon Freud, le suicide est une dépression profonde et douloureuse, une suspension de l’intérêt pour le monde extérieur, la perte de la capacité d’aimer, l’inhibition de toute activité et la diminution du sentiment d’estime de soi (1958).

La mélancolie est l’acmé de l’état dépressif, la situation sociale est déterminante pour le passage à l’acte. C’est le cas lors d’un deuil ou d’un évènement traumatique où la personne va ressentir un profond désespoir et ne va pas en parler à son entourage.

Le suicide résulte d’un deuil inabouti. Deuil de la reconnaissance dont le point de départ est le groupe auquel la victime s’était identifiée. Il servait à étayer son Moi et son narcissisme. La perte c’est l’exclusion,  le rejet ou encore l’humiliation. Elle est vécue comme un effondrement psychologique.

Bien entendu, toute mélancolie ne mène pas au suicide ni à une tentative de suicide, cependant la personne connait des phases où l’idée suicidaire est prégnante. L’idée est là !

La mélancolie, ce profond sentiment de solitude, de ne pas être écouté, ni entendu. On observe que nos proches ne sont pas attentifs à notre comportement alors que nous sommes intimement/viscéralement convaincus qu’ils devraient l’être. C’est ça qui plonge la personne dans un gouffre de désespoir sans fond. Et si elle en parle, le risque est que le proche minimise le fait, « c’est pas si grave »… « tu te fais des idées »… « sois moins nombriliste »… alors le gamin se replie sur lui-même, se renferme. Il a la boule au ventre le matin en partant à l’école avec la peur qui devient son fidèle ami. Le gamin anticipe les conséquences sur ses parents, sur sa famille… alors il fait mine le soir que tout va bien.

Alors comment identifier cette tristesse, cet abattement, ce comportement à la limite du passage à l’acte ? En observant les réactions de l’enfant lorsqu’on discute avec lui. Il est important de garder à l’esprit que 2 comportements sont possibles : un repli sur soi avec une attitude hypotonique (c’est-à-dire sans tension musculaire), le menton relevé ou baissé ; ou un comportement faussement extraverti avec une attitude tonique et un regard qui soutient le vôtre. Il est également important d’observer si la personne cligne des paupières ou très peu. Si ce n’est pas le cas, cela traduit une « absence », la personne semble être présente alors que seul son corps est là, son esprit est perdu ailleurs et elle n’intègre pas les informations qui lui parviennent de l’extérieur.

Dans le cas où le parent a pu observer ces signes précurseurs mais qu’il les a niés, c’est qu’il a subi l’influence sociale pour vérifier et valider son ressenti. Si les autres personnes de la fratrie, de la famille ou même du cercle social proche, n’ont eux-mêmes pas observé ces signes, alors le parent se range de leur côté et infirme ses observations. « S’agissant d’une réalité sociale aussi bien que physique (Festinger, 1950), le principe fondamental guidant cette épistémologie de sens commun (…) serait donc celui du consensus. Si l’heuristique du grand nombre (Chaiken, 1987) semble dominer le processus de validation subjective, il faut cependant envisager que celle-ci puisse aussi reposer sur un autre principe épistémologique, celui de la coordination des points de vue (Mugny, Huguet, Perez – Influence sociale et processus de décentration – bulletin de psychologie, 1992, vol. 45, n°405, p. 155 à 163). »

Mais le parent a aussi pu passer à côté de ces signes précurseurs en préférant, inconsciemment, les éluder, les éviter. L’évitement et le déni sont une fuite émotionnelle. C’est comme vouloir revenir au moment précédent les évènements pour ne pas s’y confronter, c’est nier la réalité qui ne manquerait pas de nous placer en déséquilibre psychique. Se confronter à la réalité provoquerait un nécessaire changement si couteux émotionnellement. Il s’agit là d’un renforcement négatif, en termes comportementaliste : « j’ai peur, j’évite/je fuis, je n’ai plus peur… » pour autant, le problème reste entier. Se confronter à la réalité, c’est devoir faire un choix qui entrainera inévitablement un renoncement et renoncer, c’est perdre quelque chose et en faire le deuil.

Il n’est pas admissible de laisser la violence physique et morale s’étendre, se développer au sein des écoles et des familles. Il n’est pas admissible de laisser les enfants se débrouiller seuls trop tôt dans une société où l’avoir prime sur l’être. Il appartient à chacun de se questionner, de se positionner en tant que parent responsable, garant des limites qui sont là pour la cohésion sociale autant que pour rassurer. Comprendre le processus suicidaire permet d’en appréhender sa complexité. C’est aussi se donner la possibilité d’agir et de lutter contre ce sentiment d’impuissance qui transpire de cet acte.

« Je qualifie la violence dont je parle de fondamentale car je pense qu’elle touche aux fondations de toute structure de la personnalité, quelle que puisse être cette structure. La violence dont il est question ici correspond étymologiquement à une force vitale présente dès l’origine de la vie (Bergeret). »

Sources :

Cairn.info / logique des homicides dits altruistes

DE LARA – Le mélancolique et le risque suicidaire

Georges GENIL-PERRIN

Charles VALLON

Le Monde.fr – Alexandre POUCHARD – 09/02/2016

Le Monde.fr – François BEGUIN – 05/05/2018

Mucchielli, Renneville – Les causes du suicide : pathologie individuelle ou sociale ? Durkheim, Halbwachs et les psychiatres de leur temps (1830-1930).

cps-le-faubourg.org/wp-content/uploads/Les-phases-du-processus-suicidaire.pdf

https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/charente-maritime/suicide-au-lycee-saintes-notre-fille-etait-harcelee-c-est-cela-qu-elle-s-est-pendue-1485247.html

 

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