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Stratégies de communication des invités de l’émission : « ce soir (ou jamais !) »

Le 08/03/2015

Voici un exemple de rapport synergologique que je pourrais vous remettre suite à l’analyse d’un évènement spécifique que vous m’auriez commandé. Pour cet exemple, il s’agit de l’émission de Frédéric Taddéi lors de laquelle 6 invités furent conviés à débattre à propos de la loi Macron. L’analyse porte sur les 40 premières minutes environs.

Pour information, cette vidéo fut projettée et commentée lors d'une soirée interjuges organisée sur Paris. Nous, synergologues, nous réunissons régulièrement afin de confronter, échanger et enrichir nos analyses respectives sur une vidéo identique.

(lien vers la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=ZttQWsGShJ0)

Le contenu même des arguments n’est pas analysé, seules comptent l’identification de chaque stratégie de communication que met en place l’invité, et comment cette stratégie évolue confrontée à l’interaction avec les autres invités.

1) Objet du présent rapport :

Afin d’apprécier la qualité des intervenants et de la richesse du débat, vous souhaitez identifier le style de communication de chaque participant et quelles interactions se mettent en place au fil des échanges. L’enjeu de ce rapport est de savoir si le profil des intervenants à une incidence sur la qualité d’un débat.

2) Les items généraux contextualisés :

Les invités : Thomas Philippon, Natacha Valla, Irène Inchauspé, Florian Philippot, Fiodor Rilov et Paul Jorion.

2’15 – Florian Philippot fait des gestes « spectaculaires », il fait son show télévisuel avec un sourire ironique, voire de mépris exprimant ainsi un satisfecit personnel.

5’47 – Thomas Philippon a un regard de « défocalisé actif », c’est-à-dire que son regard est fixe sans avoir l’air de regarder quelque chose en particulier, mais son esprit est tout à l’échange, il est bien présent dans le débat, il analyse. Dans le même temps, j’observe des haussements de sourcils qui font écho à cette idée qu’il souhaite communiquer, il montre ainsi son intérêt. J’observe également qu’il ne prend la parole que si l’animateur la lui donne et que dès qu’il a fini de s’exprimer, sa bouche reste fermée. Cela indique qu’il est structuré et sensible à la hiérarchie.

7’ – Paul Jorion hausse beaucoup des épaules, il a envie de plaire, de faire une bonne prestation.

8’10 – Natacha Valla est avare de gestes, elle reste contenue et dans le contrôle avec une main droite active.

9’42 – Fiodor Rilov est également dans la communication spectacle, mais avec en arrière-plan une peur grégaire de manque de reconnaissance. Il veut s’affirmer au groupe en plaçant son épaule droite très en avant, la main droite bien ancrée sur sa cuisse droite, le buste (image de l’ego, pensez au gorille qui se le frappe des 2 mains pour montrer qu’il est le plus fort) très en avant. Il n’écoute pas ses interlocuteurs, il coupe la parole et ponctue chaque mot par des haussements de sourcils qui tentent de rallier les autres à sa cause. Voyez également sa position assise, les jambes très écartées pour prendre plus de place (expego, voyez la grenouille qui se gonfle pour paraître plus grosse que le bœuf). C’est un profil typique de « conquérant négatif position haute » avec toute son arrogance.

10’08 – Pendant que Fiodor Rilov monologue, Natacha Valla a l’axe de tête « latéral droit et rotatif gauche » (ASN-ALD-ARD), elle ne se laisse pas totalement aller et adopte une posture qui laisse penser à de la séduction. Mais il s’agit d’une vraie stratégie comportementale pour amadouer son vis-à-vis, elle sera prête à contre attaquer dès que la fenêtre de tir sera ouverte (double visage).

10’40 – Irène Inchauspé a les deux mains sur le genou gauche, montrant ainsi une certaine protection. Elle ne se met pas en avant, ni en retrait, et n’adopte aucune stratégie de séduction. Elle se pose là, présente et attentive.

10’50 – Florian Philippot est toujours dans le show mais son sourcil gauche ascendant (ROSGA) nous indique qu’il se met à distance du groupe, contrairement à ce qu’il nous laisse penser par son discours. Il est présent mais il n’a pas d’attention, il est là physiquement mais absent mentalement. D’ordinaire « pushing », il semble sur la réserve ce qui me laisse croire que la stratégie comportementale de Fiodor le perturbe, ou que c’est un évènement extérieur qui le préoccupe…

14’09 – Fiodor Rilov n’est pas en phase avec Philippot (FN versus PC), pincement des ailes du nez (N40), ce qui sera confirmé à la fin du débat avec « je ne sais pas ce qu’il fait lui ? ».

14’20 – Paul Jorion place ses mains en « V » descendant (BSVD), il se veut « l’autorité qui se met au service des autres ». Ce sentiment de supériorité en position vigilante se traduit également par son axe de tête, incliné vers la droite, regardant avec l’œil gauche, le menton légèrement relevé (ASS-ALD-ARG).

14’26 – Pendant que Fiodor Rilov fait son show, il est intéressant d’observer le comportement des autres invités. Thomas Philippon a les mains disposées en couteaux fermés descendant (BSCFD), ce qui traduit un retour sur soi, une position attentiste. Natacha Valla est en position de « soumission » ou plus particulièrement d’écoute abandonnée, voire résignée. Son axe de tête est penché à gauche, elle regarde avec l’œil gauche avec le menton légèrement abaissé. Elle subit la prestation de l’avocat mais ne se place pas pour autant en arrière, avec l’envie de partir. Pas de protection apparente.

Pendant que Fiodor Rilov s’écoute parler, Paul Jorion tire sur les 2 pans de sa veste affirmant par ce geste : « c’est moi qui sait, mais je reste en retrait ».

18’39 – Thomas Philippon sort de sa réserve analytique et va se confronter à l’avocat. Ce changement de stratégie se traduit par un menton plus élevé que jusqu’alors. Il passe ainsi de « vigilant » à « conquérant ».

21’30 – Irène Inchauspé sort de sa réserve également et prend la parole. Son discours colle parfaitement avec son attitude corporelle, elle est dans une communication dite « authentique ». Par ailleurs, cette attitude est confortée par des paumes de mains à l’horizontale et tournées vers le haut, ce qui est un signe fort d’ouverture.

37’18 et 37’20 – Voyez ce geste effectué à 2 reprises que je qualifie volontiers d’agressif de Fiodor Rilov à l’encontre de l’avant-bras droit de Paul Jorion, uniquement pour signifier à ce dernier qu’ils sont tous deux d’accord. Mais quand 2 conquérants se font face, d’accord ou pas, vient le moment où il faut nécessairement ( ?) déterminer celui qui lance le plus loin…

41’17 – Fiodor Rilov passe en revue les invités et leur statut, notez qu’au moment même où il prononce le mot « avocat », sa main gauche vient tirer sur le pan gauche de sa veste, quelle fierté pour lui, quelle reconnaissance vis-à-vis des autres.

41’19 – Toujours Fiodor Rilov dit de Florian Philippot « je ne sais pas ce qu’il fait, lui, ce monsieur(…) » et Florian Philippot ne réagit pas dans un premier temps, tant il paraît absent du débat, alors que nous savons tous quel personnalité politique redoutable il peut se montrer.

3) Le moment clé :

Le moment qui, à mon sens, permet d’identifier globalement chaque stratégie comportementale de communication est à la 14’26 lorsque Fiodor Rilov monologue et que chaque invité l’observe avec une attitude corporelle spécifique.  

4) Contexte général annexe (éléments reliés à la vidéo permettant de l’éclairer) :

Après quelques recherches, il s’avère que Florian Philippot appris le jour même de l’émission qu’un magazine people ferait état de son homosexualité. Ceci explique complètement sa double attitude, celle peu convaincante en roue libre qui assène son éternel discours anti européen, et celle où il se protège des autres et à l’air totalement absent du plateau de télévision.

5) Conclusion :

Les intervenants mis face à face ont des profils de communication qui sont intéressants et complémentaires pour faire vivre le débat. Certains se placent en retrait afin d’analyser les arguments adverses, et n’hésitent pas à faire valoir leurs points de vues. Cependant, il suffit de la présence d’un profil trop conquérant, pour qui les autres ne sont que des faire-valoir, pour que le débat perde en richesse et en intérêt. Les autres invités sont alors sur la défensive et, soit s’opposent comme le font les mâles soumis en quête d’affirmation et de conquête de pouvoir, soit se placent en retrait pour regarder de l’extérieur cette lutte stérile et puérile. Les échanges deviennent vains, inintéressants et chacun décroche, le téléspectateur le premier.

Ainsi, voici la figure d’autorité observée pour chaque invité :

-          Thomas Philippon est vigilant positif en position haute, il se montre concentré et analytique et veut servir les échanges, son corps est cependant en tension avec des mains plutôt basses,

-          Natacha Valla est dans un espace authentique, son attitude non verbal calque son discours verbal, pas de tension observée sur le corps ni de protection,

-          Irène Inchaussé est également dans un espace authentique, mêmes remarques que pour Natacha Valla,

-          Florian Philippot est syntonique négatif position haute, c’est le rebelle des invités, il manifeste sa présence par petites touches mais il n’est pas tout à fait concerné,

-          Fiodor Rilov lui est LE conquérant négatif position haute, arrogant, donneur de leçon qui ne vous voit pas, qui est incapable de se rappeler de votre nom à la fin de l’échange. Son attitude corporelle est affirmée, avec des gestes forts tournés vers l’avant, les jambes bien écartées et qui pose sa main sur votre avant-bras pour vous signifier que c’est lui qui a la main,

-          Paul Jorion est également un conquérant mais positif en position haute, il se met à la portée des autres mais estime être celui qui sait.

6) Suggestion :

Suite aux différents éléments relevés dans ce rapport, il m’apparaît important que la production de l’émission doive opérer, a minima, à un tri des invités selon leur profil de communication, ceci afin que les échanges en soit plus riches. Un profil trop « conquérant » prendra le pas sur les autres invités et le débat deviendra alors stérile et inaudible. Deux profils opposés créeront une tension et les échanges seront plus vindicatifs. Cette cacophonie, source de risque d’image pour l’émission et pour le présentateur, donnera lieu à des pertes d’audience instantanées voire futures. Mais peut être que l’enjeu pour la production est de créer du show télévisuel, vecteur hypothétique d’audience ?