Pourquoi certaines personnes répètent les mêmes erreurs ?

Le 31/07/2025 0

« Je ne comprends pas… je retombe toujours dans les mêmes travers. »

« J’attire toujours le même type de personne. »

« Chaque fois que j’avance, je finis par saboter. »

Ces phrases résonnent dans les cabinets de psychologues, de thérapeutes et de coachs. Derrière l’apparent hasard de certaines répétitions se cache une mécanique bien plus profonde, enracinée dans la personnalité, le tempérament et l’histoire du sujet.

Voici une lecture croisée à la fois caractérologique, comportementale et psychanalytique, pour mieux comprendre ces scénarios qui se rejouent, souvent au détriment de notre épanouissement.

La répétition : un symptôme courant, une fonction adaptative

Répéter, en soi, n’a rien d’anormal. Notre cerveau fonctionne par schémas et routines, ce qui lui permet d’économiser de l’énergie cognitive. Ainsi, nous apprenons à marcher, conduire, parler ou résoudre des conflits à partir de nos expériences passées. Le problème surgit lorsque ces répétitions deviennent rigides, douloureuses, ou autodestructrices.

Le comportement appris : le poids du conditionnement

La psychologie comportementale montre que nos réactions sont souvent le fruit d’apprentissages précoces. Nous développons des réponses conditionnées selon les conséquences que nos actions ont eues par le passé :

Un comportement renforcé (par une récompense ou une réduction d’un malaise) tend à se maintenir.

Un comportement puni ou inefficace tend à s’éteindre… sauf si une dimension affective s’y accroche.

Par exemple, une personne qui a appris dans l’enfance que la soumission évitait les conflits familiaux pourra reproduire ce pattern dans ses relations adultes, même si cela nuit à son affirmation de soi.

Freud et la compulsion de répétition : rejouer pour (ne pas) comprendre

Freud fut l’un des premiers à théoriser la compulsion de répétition : la tendance inconsciente à rejouer certains scénarios traumatiques non élaborés.

Pourquoi ? Parce que le psychisme, pour intégrer un événement, doit pouvoir le représenter, le symboliser, le mettre en récit. Si ce n’est pas le cas (par exemple dans un trauma infantile), l’expérience revient… mais sous forme d’action, de répétition.

On ne s’en souvient pas, on le revit.

Par exemple, un sujet abandonné par un parent négligent peut inconsciemment choisir des partenaires distants ou indisponibles. Il tente de réparer l’histoire… mais en réactivant exactement le même schéma.

La structure caractérielle : nos filtres émotionnels et relationnels

La caractérologie, notamment celle initiée par René Le Senne, permet de comprendre comment nos traits de caractère profonds influencent la manière dont nous vivons et interprétons le monde.

Selon Le Senne, trois facteurs principaux structurent le caractère :

  • Émotivité : sensibilité à l’impact affectif d’un événement. L’émotif adhère à ce qui l’émeut. D’autre part, l’émotivité se spécifie et souvent ne se traduira que dans les domaines où les intérêts vitaux de l’individu sont engagés. Ainsi, un émotif pourra être froid pour ce qui ne l’intéresse pas.
  • Activité : tendance à passer à l’action ou à rester passif. L’inactif agit contre son gré, l’actif vit pour agir.
  • Retentissement : on doit distinguer entre le retentissement actuel d’une représentation et son retentissement posthume. Tous les effets produits par une représentation pendant qu’elle occupe la conscience constituent le premier retentissement, la fonction primaire de la représentation. Tous les effets produits par une représentation après qu’elle a cessé d’être présente à la conscience constituent le second retentissement, la fonction secondaire de la représentation. Quand les effets d’une donnée mentale actuellement présente à la conscience refoulent ceux des données passées, la fonction primaire domine, on se trouve en présence d’un « primaire ». Dans le cas inverse, la « secondarité » domine et l’homme doit être dit secondaire. (Guy Palmade – « La caractérologie » – Puf, 1995).

Ces variables donnent naissance à plusieurs types caractériels, chacun ayant ses répétitions typiques.

Quelques exemples :

Le Passionné (émotif, actif, secondaire) : recherche de relations intenses. Il répète souvent des histoires d’amour conflictuelles, jalouses ou fusionnelles. Il dramatise, amplifie, relance des scénarios relationnels intenses, quitte à s’épuiser.

Le Flegmatique (non émotif, non actif, secondaire) : évite le conflit, préfère la stabilité. Il peut se retrouver dans des contextes professionnels ou conjugaux médiocres mais s’y maintient longtemps, par peur du changement ou du conflit.

Le Nerveux (émotif, non actif, primaire) : hypersensible, impulsif, souvent instable. Il peut répéter des décisions précipitées ou des sabotages à court terme, sous le coup de l’émotion.

Ces traits ne sont pas des fatalités, mais ils structurent des filtres de perception qui influencent nos choix, nos attirances, nos réactions, donc… nos répétitions.

Schémas précoces inadaptés

La thérapie des schémas de Jeffrey Young propose une lecture intégrative : certaines répétitions comportementales viennent de schémas précoces inadaptés, c’est-à-dire de croyances négatives construites très tôt (souvent dans l’enfance) à partir d’expériences relationnelles dévalorisantes ou insécurisantes.

Par exemple :

  • Schéma d’abandon → partenaires émotionnellement indisponibles.
  • Schéma de carence affective → recherche excessive de validation.
  • Schéma de défaveur → sabotage des réussites.

Ces schémas activent des réponses comportementales automatiques, que le patient confond souvent avec sa « personnalité » alors qu’il s’agit de stratégies de survie émotionnelle.

Illustrations concrètes

Marie, 34 ans, passionnée

Marie tombe toujours amoureuse d’hommes instables, parfois violents, mais ne « supporte pas » la tiédeur ou la prévisibilité. En caractérologie, elle correspond à un type émotif-actif-secondaire (passionnée).

Sa compulsion de répétition est aussi alimentée par un schéma de trahison (père infidèle). Elle rejoue l’abandon et cherche à le maîtriser… en le provoquant.

Thomas, 41 ans, flegmatique

Thomas reste dans un poste sous-payé depuis dix ans malgré un potentiel reconnu. Il évite les conflits, n’ose pas demander une augmentation ni postuler ailleurs. Il est de type flegmatique secondaire, peu émotif, peu actif, ruminant.

Son schéma de soumission l’amène à répéter des situations de dévalorisation, par peur de perdre l’approbation des autres.

Comment sortir de la répétition ?

Briser les répétitions nécessite :

La prise de conscience du schéma : reconnaître le pattern, voir ses origines, repérer les déclencheurs.

L’identification des croyances associées : « Je ne mérite pas mieux », « Je suis trop… », « Si je me défends, on me rejette ».

Un travail sur les traits de caractère : non pas pour les « changer », mais pour les apprivoiser et les adapter.

La mise en place de nouvelles réponses comportementales : expérimenter progressivement d’autres manières d’agir ou de réagir.

Une forme de tolérance à l’inconfort : car sortir d’un schéma familier, même douloureux, provoque de l’angoisse.

La répétition n’est pas une faiblesse, c’est un signal

Répéter les mêmes erreurs n’est pas un défaut moral mais un langage de l’inconscient et du caractère. C’est une tentative de maintenir une forme de cohérence interne, souvent coûteuse émotionnellement mais qui a du sens si on sait l’écouter.

Analyser ses schémas, comprendre son fonctionnement caractériel, décrypter ses conditionnements comportementaux, c’est ouvrir la voie à une transformation réelle — pas celle d’un idéal rêvé, mais celle d’un soi plus libre, plus lucide et plus apaisé.

 

 

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