Affaire Daval : trajectoire d'un meurtrier

Le 04/09/2025 0

L’affaire Daval a bouleversé la France par son paradoxe : celui du « gendre idéal » devenu meurtrier. Comment comprendre ce basculement ? La seule explication rationnelle ne peut se réduire à la jalousie, à une dispute ou au hasard tragique d’une soirée. Pour éclairer ce drame, il faut se tourner vers la caractérologie de René Le Senne, et plus particulièrement vers le type émotif – non actif – secondaire (EnAS).

Ce profil de caractère, bien identifié, est prédisposé à accumuler les tensions intérieures jusqu’au moment où la soupape cède. Jonathann Daval en incarne une illustration clinique.

Un terrain psychologique fragile

L’émotif vit tout intensément. Ses expériences, ses relations, ses échecs comme ses réussites, prennent une dimension disproportionnée. Daval apparaît, dès son adolescence, comme un garçon timide, introverti, manquant de confiance en lui. L’émotivité, sans l’activité qui permet de la transformer en action constructive, devient un poids.

Or, chez le non-actif, les conflits ne se règlent pas dans l’affrontement ou le dialogue. Ils s’intériorisent, se ruminent, fermentent. À cela s’ajoute la secondarité, c’est-à-dire la tendance à ressasser les blessures et à entretenir les rancunes. Dans le cas de Daval, cela se traduit par des années de frustrations silencieuses, soigneusement contenues derrière un masque d’effacement.

L’idéalisation comme refuge

Rencontrer Alexia au lycée fut pour lui une planche de salut narcissique. Elle était plus vive, plus affirmée, plus énergique. En la choisissant, il s’offrait une identité par procuration : « elle a changé ma vie », disait-il. En réalité, il s’est installé dans une relation asymétrique : elle comme moteur, lui comme suiveur.

L’idéalisation d’Alexia lui évitait la confrontation avec son propre vide intérieur. Mais idéaliser, c’est aussi se condamner : si l’objet aimé s’éloigne, c’est tout l’édifice psychique qui s’effondre. Or, leur couple traversait une crise majeure : disputes répétées, difficulté à concevoir un enfant, déséquilibre des places. L’homme effacé voyait poindre le risque ultime : être abandonné, se retrouver nu, sans femme, sans foyer, sans identité.

La cocotte-minute caractérologique

Un profil EnAS fonctionne comme une cocotte-minute émotionnelle. Chaque reproche, chaque humiliation, chaque conflit non exprimé s’ajoute dans le réservoir. Rien ne sort, tout se dépose dans les couches profondes de la mémoire affective. La secondarité maintient vivace ces blessures, la non-activité empêche de les sublimer, et l’émotivité leur donne une intensité presque insupportable.

Le soir du meurtre, la dispute fut « la dispute de trop ». Les mots d’Alexia, ses reproches, ont rouvert des années de blessures enfouies. Jonathann lui-même l’a reconnu à l’audience : « Tout est ressorti, ces années de colère, tout ce que j’ai emmagasiné… »

Il ne s’agit pas d’une explosion « soudaine » au sens strict. Le terrain était préparé depuis longtemps. La rupture, impossible à concevoir pour lui, équivalait psychiquement à une annihilation. Le passage à l’acte fut alors l’expression ultime d’un effondrement du Moi incapable de contenir davantage la pression.

Le meurtre comme fausse solution

Étrangler Alexia n’était pas un projet, mais une issue brutale à un conflit intérieur insoluble. Il voulait « qu’elle se taise », disait-il. Derrière cette phrase, on lit le désespoir d’un homme incapable d’affronter la vérité de son couple et de sa propre fragilité. Le meurtre fut une tentative désespérée de faire taire la source de ses tourments internes.

Mais une fois l’acte accompli, l’émotif redevient… émotif. D’où ces larmes, ces signes de tristesse authentique, ce chagrin réel. L’émotif-non actif-secondaire n’est pas un psychopathe froid : c’est un être hypersensible, mais prisonnier de son incapacité à transformer sa sensibilité en confrontation constructive. D’où ce paradoxe : meurtrier et triste à la fois.

Une leçon de caractérologie

L’affaire Daval montre avec une crudité tragique comment certains profils caractérologiques, laissés à eux-mêmes, peuvent devenir dangereux dans un contexte de crise. L’EnAS est vulnérable face à l’accumulation de stress. Tant que le cadre est protecteur, il s’y fond. Mais dès que le cadre menace de se fissurer, le risque d’explosion devient réel.

Comprendre cela n’excuse rien. Cela permet en revanche d’identifier un mécanisme psychologique récurrent : la violence comme débordement de tensions trop longtemps contenues. Daval n’est pas l’incarnation du mal absolu, mais l’illustration tragique d’une structure de caractère fragile, confrontée à une situation de couple destructrice.

Conclusion

Le « gendre idéal » n’a pas tenu. Non parce qu’il était pervers ou manipulateur de bout en bout, mais parce que son profil caractérologique le condamnait à l’échec face à un stress conjugal extrême.

L’émotif-non actif-secondaire peut être tendre, fidèle, attachant. Mais il est aussi celui qui, privé d’espace d’expression, accumule les rancunes silencieuses jusqu’à ce que l’implosion devienne inévitable. L’affaire Daval nous rappelle que la compréhension des structures de caractère n’est pas une spéculation théorique : c’est une grille de lecture indispensable pour prévenir, anticiper et, peut-être, éviter le pire.

 

J daval

 

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